Un entretien de Pascal Chabot et Paul Jorion avec Martine Vandemeulebroucke pour Alter Échos s’intéresse aux perspectives de l’emploi et du travail dans un contexte d’automatisation massive.
Alter Échos : Faut-il taxer les robots? Instaurer un revenu universel?
Paul Jorion : J’ai été le premier à proposer l’idée d’une taxe robots. Je l’avais conçue comme un moyen de financer un revenu universel de base mais lorsque j’ai commencé à penser à la dimension pratique du revenu universel, plusieurs obstacles me sont apparus. D’abord le revenu universel ne règle absolument pas les disparités de revenus et les laisse même s’accroître. C’est aussi une incitation au consumérisme alors qu’on devrait plutôt se lancer dans une forme de décroissance. Un autre danger, c’est la mauvaise utilisation de l’argent par son bénéficiaire. Mais la contestation la plus sérieuse du revenu universel vient de mon expérience de banquier pendant 18 ans. Si on donne un revenu supplémentaire aux gens, la finance s’en emparera.Alter Échos : Que faire alors?
Paul Jorion : Taxer les robots pour financer une extension de la gratuité. Revenir en priorité à la gratuité totale de l’assurance maladie invalidité, de l’enseignement et puis l’étendre aux transports de proximité. Je suis aussi en faveur d’une gratuité de l’alimentation de type élémentaire.
Aujourd’hui, beaucoup de travailleurs sont pris dans l’étau d’une activité qui envahit leur vie privée. Pourrions-nous passer d’une société de burn-out, où le travail consume les forces de l’individu, à celle du vide, où le travail n’est plus?
Pascal Chabot : Le travail est un des grands impensés de nos sociétés. Il structure les existences, procure satisfactions et désespoirs. Son manque effraie et provoque parfois des détresses violentes; mais sa surprésence engendre des pathologies en imposant aux individus des rythmes et des buts parfois toxiques.
Il est à cet égard intéressant de se souvenir que les technologies ont été massivement introduites dans la société au cours des années 60, en étant accompagnées d’un discours sur la civilisation du loisir. Alors déjà, des propos sur la possibilité d’un chômage de masse se faisaient entendre. Le discours sur la civilisation du loisir fut une sorte de cheval de Troie qui, en ses flancs, et sous couvert d’une plus grande jouissance du monde, introduisit une série de technologies de capture de l’attention, assez différentes de ce que l’on pouvait alors appeler «loisir».
Illustration : © Anne-Gaëlle Amiot.
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