Philippe Van Parijs, dans Libération :
Une des raisons principales de la popularité récente de la proposition de revenu de base réside dans le scepticisme croissant à l’égard de la stratégie jusqu’ici dominante pour permettre à tous d’y accéder: une croissance sans limite permettant de compenser l’effet sur l’emploi des progrès de la productivité. Les doutes sur la «désirabilité» de la croissance, présents depuis les années 70, ont été amplifiés par la prise de conscience de son impact irréversible sur le climat. Ensuite, même ceux pour qui la croissance est désirable doutent aujourd’hui de sa possibilité: c’est la «stagnation séculaire» diagnostiquée par l’économiste et homme politique Larry Summers. Face à ces doutes, proposer le revenu de base, ce n’est pas renoncer au droit au travail rémunéré pour tous. C’est au contraire fournir un instrument essentiel pour le réaliser au XXIe siècle, et cela pour trois raisons. D’abord, le revenu de base constitue une formule intelligente de partage de l’emploi. Il facilite la réduction volontaire du temps de travail ou l’interruption de carrière au moment où les travailleurs en sentent le besoin. Les postes ainsi libérés peuvent être occupés par celles et ceux qui en sont aujourd’hui exclus. Ensuite, le fait que le revenu de base est pleinement cumulable avec tout autre revenu en fait une subvention systématique à des activités faiblement ou irrégulièrement rémunérées mais suffisamment intéressantes par leur attrait intrinsèque ou les perspectives qu’elles offrent. Enfin, il est le complément naturel de l’apprentissage tout au long de la vie, du fait qu’il permet un va-et-vient plus souple entre emploi, formation et activités bénévoles.
Un entretien de Vittorio De Filippis avec Philippe Van Parijs dresse à grands traits les questions qui entourent actuellement le revenu de base, alors que le philosophe a récemment publié son dernier livre.
Source. Illustration : © M. Flore.VU.
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