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Peut-on vraiment expérimenter le Revenu de Base ?

Un article de Marc de Basquiat pour l’AIRE examine les limites d’une expérimentation d’un revenu de base : il n’est pas possible d’en respecter la définition lors d’un test limité.

Que pourrait-on tester ?
Nous pouvons discuter chacun des 9 termes de la définition du MFRB pour tenter de cadrer ce qui pourrait faire l’objet d’une expérimentation.

« Le revenu de base est un droit inaliénable ». Peut-on imaginer une expérimentation qui aurait la valeur d’un « droit » pour les personnes de l’échantillon, qui ne le serait donc pas pour le reste de la population ? Ceci parait impossible d’un strict point de vue juridique.

« Le revenu de base est inconditionnel ». Oui, on peut imaginer d’accorder une prestation à toutes les personnes d’un échantillon restreint, qui ne soit pas sélectionné par des conditions mais par un tirage totalement aléatoire.

« Le revenu de base est cumulable avec d’autres revenus ». Ce point est problématique, étant en conflit direct avec la logique des prestations sociales telles que le RSA, l’ASS, l’AAH, l’ASPA ou la Prime d’activité. Celles-ci sont calculées après déduction de « toutes les ressources réellement reçues chaque mois » autres que quelques prestations versées par les CAF (Caisses d’allocations familiales) ou les MSA (Mutualités sociales agricoles). Il s’ensuit qu’un revenu de base expérimental devrait probablement être calculé et versé par les CAF / MSA.

« Le revenu de base est distribué par une communauté politique à tous ses membres ». Un dispositif expérimental, par définition, sélectionne un échantillon pour tester des règles dérogatoires du régime commun. Il est néanmoins indispensable de définir le périmètre de la population totale parmi laquelle les participants seront sélectionnés par tirage au sort. S’agit-il des nationaux ou des résidents réguliers sur le territoire ? Applique-t-on des conditions particulières, comme actuellement pour les étrangers en situation régulière en France pouvant demander le RSA ?

« Le revenu de base est distribué de la naissance à la mort ». Par définition ce critère n’est pas testable. Philippe Van Parijs explique pourquoi ceci diminue beaucoup l’intérêt des expérimentations. Ce biais méthodologique doit être pris en compte au moment d’interpréter les résultats.

« Le revenu de base est distribué sur base individuelle ». Ce critère semble a priori le plus simple à implémenter : il suffit de verser la même somme à chaque personne de l’échantillon… Mais le diable est dans les détails. Si le dispositif expérimental, géré par les CAF / MSA, se substitue à un mécanisme familialisé tel que le RSA, l’écart entre les deux mécanismes est mécaniquement fonction de la configuration familiale. Par exemple, les gains seront très différents pour les couples ou les personnes seules. Il faut donc définir avec finesse la mesure des résultats de l’expérience, comparant intelligemment l’échantillon testé et la population de référence.

« Le revenu de base est distribué sans contrôle des ressources ».C’est le point le plus souvent critiqué de la proposition : pourquoi verser un revenu de base à des riches qui n’en ont pas besoin ? La réponse est d’abord philosophique, mais au point de vue du dispositif expérimental, la question est « pratico-pratique ». Le tirage de l’échantillon testé étant aléatoire, il sélectionnera aussi des personnes aisées. Ce cas est traité efficacement par un Revenu d’existence généralisé suivant le schéma LIBER, où le fisc calcule tous les mois pour chacun une allocation forfaitaire inconditionnelle (de l’ordre de 480 euros) dont il déduit quelques 36% des revenus déclarés au cours du mois écoulé. Seul la différence est virée (ou prélevée) sur le compte bancaire de la personne.

Dans le cadre d’une expérimentation, il est exclu d’impliquer l’administration fiscale pour mettre en œuvre des règles d’imposition différenciées sur la foi d’un tirage aléatoire. Le mécanisme cible doit donc être mis en œuvre par les CAF / MSA. Elles devront recevoir chaque mois l’information sur les revenus perçus, de façon à calculer la différence à verser. Ceci nécessite un dispositif élaboré permettant d’automatiser le calcul et lisser sur la durée d’éventuels revenus irréguliers, ce qui peut être très compliqué.

« Le revenu de base est distribué sans exigence de contrepartie ».Dans le cadre d’une expérimentation, ceci va de soi. Sauf que l’intérêt scientifique de la démarche repose sur la quantité et la qualité des informations collectées. Il serait donc souhaitable que les personnes sélectionnées dans l’échantillon répondent de bon cœur aux diverses enquêtes permettant d’identifier et comprendre les éventuels impacts comportementaux induits par le dispositif testé.

« Le montant et le financement du revenu de base sont ajustés démocratiquement ». Ainsi que Philippe Van Parijs le fait remarquer, un dispositif expérimental ne peut sélectionner que des gagnants nets. Le solde doit donc mobiliser un financement autre que les rationalisations réalisées pour l’échantillon. L’équilibre budgétaire de la démarche d’expérimentation est une contrainte forte, qui limite la taille de l’échantillon, la durée et le montant du revenu de base.


Illustration : © DR.

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